J’ai pris acte des démolitions des statues de Pierre Belain d’Esnambuc et de Joséphine de Beauharnais le Dimanche 26 juillet 2020.
Faut-il rappeler que la question de la dépose de la statue de Pierre Belain D’Esnambuc figurait à l’ordre du jour du conseil municipal du mardi 28 juillet ? Son retrait de l’espace public était déjà programmé pour les jours prochains.
Parallèlement, les travaux en cours de la commission ad hoc “Mémoire et Transmission” installée par moi-même le 20 juillet dernier, réfléchissait déjà à la destinée possible de ces symboles de la période coloniale.
En tout état de cause, je constate l’impatience de certains qui ont fait le choix d’un passage à l’acte direct et unilatéral, sans respecter ni le cadre démocratique, ni les propositions de la commission ad hoc, et encore moins le vote attendu du conseil municipal.
Je réaffirme néanmoins que je ne répondrai à aucune injonction, à aucun ultimatum relatif aux menaces de destruction de la porte du parc culturel Aimé Césaire.
Si des propositions de réappropriation, de transformation ou d’explicitation peuvent être faites par la commission ad hoc, il est absolument hors de question que cette porte, appartenant au patrimoine municipal, soit détruite ou abîmée. La commission a d’ores et déjà fait hier, vendredi 31 juillet, la proposition d’y réaliser un mémorial populaire avec le concours d’artistes, qui pourraient fixer le cadre de cette expression du peuple.
Aussi, j’ai pris des mesures de protection du patrimoine municipal, pour ce week-end, afin de prévenir des motifs de divisions de la population foyalaise et plus largement, martiniquaise.
Personne n’a le monopole de l’amour de son pays et de son peuple, et aucune génération ne doit oublier les efforts des générations qui les ont précédées.
J’invite donc la population, samedi 1er août, dès 18h, à venir participer aux temps forts d’animations culturelles et historiques, mais aussi aux prises de paroles, afin de mieux connaître ce patrimoine culturel foyalais.
Je tiens aussi à rappeler l’antériorité des combats et les réalisations de générations de martiniquaises et martiniquais, de générations de foyalaises et de foyalais, sur les questions mémorielles et identitaires.
À nous désormais, générations actuelles d’œuvrer collectivement pour la décolonisation des esprits.
C’est ainsi que je réitère mon appel au dialogue et à la concertation la plus large pour aller plus loin sur ces questions qui doivent sans doute être ensemble revisitées et explicitées.
Créons pour cela des espaces démocratiques de concertation, des lieux de débats à la hauteur des enjeux qui nous sont posés collectivement.
Je réaffirme que la ville est plus que jamais engagée dans le combat pour réduire les inégalités et apporter des réponses aux difficultés du quotidien auxquelles les foyalais.e.s sont confronté.e.s.
Je rappelle que la Ville de Fort-de-France se bat trop souvent seule, notamment sur l’accompagnement des errants, alors même qu’ils viennent des différentes communes de Martinique.
Pour répondre aux difficultés de la crise sociétale que nous traversons, nous avons plus que jamais besoin de toutes les énergies et volontés de construction collective.
Dans ce contexte de tension, je réitère aussi la nécessité que justice soit rendue par l’ouverture d’une instruction judiciaire portant sur la question de l’empoisonnement au chlordécone, et que tous les acteurs concernés puissent répondre de leurs responsabilités.
Notre histoire, certes complexe et douloureuse appelle des réponses concrètes pour construire une Martinique plus juste et plus solidaire.
Le drapeau Rouge Vert Noir reflète aujourd’hui différentes sensibilités qui ont un dénominateur commun, l’amour de notre pays. Mais ce n’est pas en utilisant les vieilles stratégies de divisions que surgira un projet collectif.
Cette jeunesse nous bouscule, parfois sans la forme. Elle est plus exigeante vis-à-vis de nous, et attend des corps intermédiaires, de l’administration, et des élus qu’ils aillent plus vite, pour construire un autre modèle de société plus égalitaire, plus respectueux de notre l’environnement et libéré du système oligarchique ancré dans notre pays.
L’échéance à venir de mars 2021 pour le renouvellement de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) est un défi majeur à relever dans le cadre de ce nouveau projet pour notre pays, la Martinique. Cette nouvelle gouvernance devra répondre aux défis de notre île, afin de créer les conditions concrètes d’un développement beaucoup plus endogène, profitant prioritairement aux enfants de ce pays.
Il nous faut rompre avec les anciens schémas qui mènent à l’irresponsabilité collective et ouvrir ainsi une nouvelle ère de démocratie économique et de création de richesses nous permettant de nous émanciper du processus qui a fait de nous des consommateurs effrénés.
Nous sommes toutes et tous responsables de notre pays, la Martinique.
Didier Laguerre
Maire de Fort-de-France